Fimec Technolgies. Six mois après le séisme


Sur le site Le journal des entreprises paru le 05/11/10

Printemps 2010: 152 des 184 salariés de Fimec au Pin-en-Mauges sont licenciés dans le cadre d'un plan social. La filiale du groupe Legris Industries est touchée de plein fouet par la situation précaire de la maison-mère (100M€ de pertes en 2009). Six mois après ce traumatisme, quelle est la situation de l'entreprise des Mauges, devenue Fimec Technologies? Yann Jaubert, le repreneur, ex-Dg de Keyria entre 2009 et 2010, a accepté de répondre à nos questions. Le dirigeant, qui vient de boucler une levée de fonds de quatre millions d'euros, revient sur les raisons de sa reprise. Il envisage l'avenir du spécialiste du béton avec confiance.

Yann Jaubert, quel premier bilan pouvez-vous tirer six mois après la reprise de Fimec Technologies?
Les premiers mois sont toujours cruciaux: les partenaires financiers vont-ils nous suivre? Les clients vont-ils toujours nous faire confiance? Aura-t-on le chiffre d'affaires correspondant? Aujourd'hui, je peux l'affirmer: cette première étape a été franchie avec succès. C'était loin d'être évident, mais à ce jour Fimec Technologies a enregistré plus de 3M€ de commandes. Les clients historiques de l'entreprise comme Michelin, Rockwool, Saint-Gobain, nous ont renouvelé leur confiance. Nos résultats intermédiaires sont très bons. Désormais, nos demandes aux banques portent plutôt sur des demandes d'allongement de lignes de caution pour nous donner la possibilité d'accepter des commandes de plus gros projets.
Socialement, la reprise a été vécue comme un traumatisme par les salariés...
Ce sont surtout les difficultés auxquelles Fimec a été confrontée qui ont créé un traumatisme. Fimec faisait partie des entreprises qui se portaient plutôt bien au sein de Keyria. La société n'était pas endettée. La chute du portefeuille de commande liée à la crise et les difficultés rencontrées par Keyria ont mis Fimec dans une situation difficile, en la privant de trésorerie. Les salariés de l'entreprise ont trouvé cela injuste. C'est compréhensible, mais je leur ai demandé de ne pas céder à la tentation de trouver un bouc émissaire. Fimec n'était pas préparée à faire face à une telle crise. Le projet de reprise ne pouvait être conduit sans redimensionner les effectifs en fonction du chiffre d'affaires prévisionnel. Nous étions partis sur 60 emplois conservés lors de la première estimation mais en réévaluant les prévisions d'activité, nous sommes redescendus à 30. J'ai vu tous les salariés en session plénière: je leur ai expliqué les raisons de ce passage de 184 salariés à 32 et les risques trop importants que la société aurait pris en maintenant 60 salariés. Je leur ai aussi expliqué ma vision de l'avenir de l'entreprise. Ce projet de reprise n'a pas pu sauver plus d'emplois dans un premier temps, j'en étais conscient. Finalement, une quasi-unanimité des salariés a voté pour ce projet. Ils ont fait preuve de professionnalisme et d'un engagement très fort pour que la société survive et redémarre. Ça s'est bien passé grâce à eux. Mon engagement personnel, c'est de pouvoir réembaucher dès que l'activité le justifie.
Est-ce déjà le cas?
Notre site est plutôt sous-dimensionné mais l'objectif est d'être au plus juste. Il est encore trop tôt pour connaître le rythme auquel on va reprendre des commandes. Cette incertitude-là, il faut la gérer avec prudence. La signature de 1,6million de commandes ces deux derniers mois nous assure huit mois de travail mais la visibilité n'est pas suffisante pour embaucher durablement du personnel. Aujourd'hui, nous sommes un peu plus de 40 avec des réembauches d'intérimaires au fur et à mesure. (N.D.L.R: le groupe Legris Industries a versé 400.000euros pour Adler et Fimec dans le cadre de mesures de revitalisation du bassin d'emploi).
Quels éléments vous ont amené à faire cette offre de reprise sur Adler et Fimec?
Je voulais faire une offre de reprise portant sur les anciennes filiales de Keyria (Fimec, Adler) car il y a de réels savoir-faire pour créer de la valeur, des synergies et bénéficier des évolutions du marché. Ces deux entreprises proposent des solutions pour le marché de la construction. Je considère qu'une crise est un accélérateur de tendances. Pour le marché de la construction, elles s'orientent vers les convergences des technologies et des savoir-faire. Aujourd'hui, les solutions de construction et d'isolation ne respectent pas toutes les réglementations thermiques et notamment celle de 2012. Pour cela, il faudra intégrer les problématiques d'isolation très en amont de la conception d'un nouveau type d'habitat. Peut-être même irons-nous vers de la préfabrication. En France, celle-ci souffre d'une mauvaise image même si ça commence sur les maisons bois. Ceci étant, en Allemagne, ça marche très bien. Je pense que l'avenir, ce sera la maison type «Ikea»... Qu'il pleuve, qu'il vente, la maison sera fabriquée et isolée en usine. On supprime les aléas climatiques et du chantier tout en réduisant les coûts.
Et ceci est complémentaire de vos activités?
Oui. Fimec travaille sur la partie briques, isolant béton en fournissant des usines complètes ou des lignes de manutention automatisées. Adler est un spécialiste reconnu pour la fourniture d'équipements complets pour la fabrication de matériaux en béton. Il n'y a pas de fatalité: pourquoi les Allemands et les Italiens sont-ils performants ? Pourquoi une société française ne le serait-elle pas ? Je crois en l'avenir de ces deux sociétés, c'est la motivation de mon investissement et de ma volonté de mettre en avant leur forte capacité d'innovation. Il y a un vrai savoir-faire qui mérite d'être pérennisé.
L'image de la société a-t-elle été écornée?
Tous les grands groupes se posent des questions sur la capacité de leurs sous-traitants à gérer leurs futurs gros investissements après cette crise. Un certain nombre d'entre eux a souffert de la crise, voire disparu. Dans ce contexte, Fimec a réussi à survivre et à préserver ses compétences. C'est une bonne nouvelle pour eux car la société leur apporte de réelles solutions à leurs besoins. Mais dans le même temps, ils se posent la question légitime de connaître la pérennité, la surface financière, la capacité financière de leurs fournisseurs. Nous devons les rassurer et les convaincre.
Et à ce jour, vous disposez de ces arguments?
Tout à fait. Même s'il ne faut pas sous-estimer la difficulté à convaincre nos grands comptes, nous avons une trésorerie solide et des partenaires financiers qui sont là pour donner à Fimec les moyens financiers de se développer. Une reprise d'une entreprise comme celle-ci ne pouvait se faire sans avoir au moins un partenaire susceptible d'accompagner le développement et d'assurer l'avenir avec des fonds propres solides (N.D.L.R: son identité n'a pas été révélée).
Dans quel état d'esprit êtes-vous aujourd'hui?
Nous pensons tripler notre chiffre d'affaires 2011 et atteindre 30M€ pour le groupe Materials Technologies (N.D.L.R: avec Adler, l'autre ex-société de Keyria). On est aujourd'hui plus qu'à l'équilibre avec des résultats nous permettant d'envisager l'année prochaine avec sérénité. Nous devons encore clarifier notre offre, notamment en développant un portefeuille d'activité équilibré avec des domaines moins corrélés. Notre carnet de commandes repart nettement à la hausse, de nombreuses demandes de devis arrivent et nous bénéficions d'une surface financière qui nous permet de financer des projets d'innovation et la croissance. Je suis confiant pour l'avenir.

Material Technologies. Le nouveau groupe de Fimec
Depuis la décision du tribunal de commerce de Paris d'autoriser Yann Jaubert à reprendre Fimec et Adler, les deux entités ont rejoint le groupe Material Technologies, créé pour l'occasion en juin dernier. À ce jour, le groupe annonce qu'il réalisera pour 2010 un chiffre d'affaires de 12,5 M€ sur un exercice de 10 mois. Il compte au total 130 salariés sur les sites de Fimec Technolgies du Pin-en-Mauges et d'Adler Technologies à Crévecoeur-le-Grand (Oise).

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